dimanche 13 décembre 2015

1973 Tunisie

Dimanche 8 avril 1973

A 18h30, depuis Marseille où habitent mes parents, je pars en autobus à l’aéroport international de Marseille-Marignanne.
L’avion pour Tunis décolle à 19h40. Je suis impressionné, car c’est la première fois que je prends l’avion.
Nous faisons une escale à Bastia, en Corse. Personne ne sort de l’avion.
Arrivée en TUNISIE à 22h, à l’aéroport de Tunis-Carthage.

Ancienne province de l’Empire ottoman, la Tunisie devient un protectorat français en 1881, puis un territoire à autonomie interne en 1954. Son indépendance est reconnue le 20 mars 1956. La République tunisienne est proclamée en 1957 par Habib Bourguiba qui en est toujours le président. 
La Tunisie est membre de la Ligue arabe depuis 1958.

Je suis accueilli à l’aéroport par Tayeb, un des frères d’Hichem. Nous rentrons de nuit à Ez-Zahra, une ville côtière à 15 km de la capitale, où habitent Tayeb et sa femme Monia, chez qui je vais loger.

Lundi 9 avril 1973

A 10h30, Tayeb et moi partons en voiture au port de La Goulette, pour accueillir Hichem en provenance de France.
En fin de matinée, Hichem m’emmène avec lui rendre visite à des amis, M. et Mme Ducauze, coopérants français. Nous rentrons ensuite à Ez-Zahra.
L’après-midi, Hichem, son cousin Jellel et moi allons rendre visite à des parents et voisins. Par la suite, nous faisons tous les trois un tour en voiture à TUNIS et dans les environs, ce qui me donne un aperçu général de la ville et de la région.

De retour à Ez-Zahra, nous passons la soirée chez Tayeb et Monia. Nous regardons la télévision.

Mardi 10 avril 1973

Matinée à Ez-Zahra. J’accompagne Monia faire quelques courses en ville.
L’après-midi, Hichem et moi rejoignons Tunis en taxi. De là, nous partons en « voiture de louage » (taxi collectif) jusqu’à Nabeul. La voiture de louage est un moyen de transport fort utilisé par les Tunisiens. La voiture ne part que lorsqu’elle est pleine.
Nous arrivons chez la mère d’Hichem, à Nabeul, avenue Mongi Slim, à deux pas de la mer.
Située au sud de la péninsule du Cap Bon, en bord de  Méditerranée (golfe d’Hammamet), Nabeul est très touristique. La ville est réputée auprès des Européens pour sa plage et son titre de capitale de la poterie.
Nous allons nous promener dans la soirée en ville et nous passons la nuit chez la mère d’Hichem.
Petit détail : dans les maisons arabes, il n’y a pas de papier-toilette dans les WC. Seulement un robinet et un broc pour se laver à la main ! Il va falloir s’habituer…

Mercredi 11 avril 1973

Matinée en ville, à Nabeul, avec un copain d’Hichem : dans le centre, autour de la rue Farhat Hached, dans la « médina » (la vieille ville arabe) et le souk.
Nous rentrons à Ez-Zahra en voiture de louage dans l’après-midi.
Le soir, nous allons prendre l’apéritif chez des coopérants, puis nous allons manger dans un hôtel avec M. et Mme Ducauze.
Nous sommes de retour à minuit chez Tayeb et Monia.

Jeudi 12 avril 1973

Le matin, je pars pour Tunis avec Hichem. Nous visitons la Maison de l’Artisanat.
Nous déjeunons ensuite chez son frère aîné.
L’après-midi, nous nous promenons à pied à Tunis : d’abord dans la ville moderne avec l’avenue Habib Bourguiba et l’avenue de France, puis dans la médina et les souks.
Si l’on n’est pas franchement dépaysé dans les quartiers modernes où le décor et l’activité sont proches de ceux d’une ville occidentale, en revanche le vieux centre, marqué par l’architecture coloniale, grouille de monde : jeunes, vieux, costumes occidentaux, vêtements traditionnels, cireurs de chaussures et vendeurs de jasmin, mélopées des muezzins, tout cela crée un tourbillon de vie dans lequel se rencontrent les traditions et la modernité, l’Afrique, l’Orient et l’Occident.
Nous sommes invités à 20h30 par un autre frère d’Hichem, Norredin (que j’ai connu à Strasbourg). Nous mangeons tous les trois dans un restaurant, le M’Rabet, dans la médina, au premier étage d’un ancien café maure.
Je passe ensuite la nuit dans un hôtel en ville, car Hichem ne rentre pas à Ez-Zahra.

Vendredi 13 avril 1973

On est réveillé tôt par l’appel du muezzin…
Je règle ma nuit d’hôtel avec les dinars tunisiens qu’Hichem m’a échangés contre des devises, et je vais passer la matinée à Tunis.
Pérégrinations sur l’avenue Habib Bourguiba, la grande avenue de la ville. Je suis frappé par le contraste des jeunes filles en mini-jupe côtoyant les femmes voilée et les hommes en djellaba ou portant la chéchia. Des portraits géants du « Combattant suprême » trônent aux carrefours. La moindre des échoppes a son portrait de Bourguiba.
J’attends Hichem au Café de Paris, sur l’avenue Bourguiba.  Bière et olives… tout en observant l’animation qui règne en permanence.
Je rencontre les Ducauze et, comme Hichem semble ne pas arriver, je rentre avec eux manger à Ez-Zahra.
Je passe l’après-midi avec Jellel à Ez-Zahra puis de nouveau à Tunis.
Hichem et moi dormons chez un oncle au village.

Samedi 14 avril 1973

Je passe la matinée à Ez-Zahra. Je prépare entre autre mon sac à dos.
A 15h, je prends le train pour Hammam-Lif. De là, je pars en auto-stop pour un voyage dans le Sud.
Je suis d’abord chargé par une carriole à cheval qui me sort de la bourgade. Plus souvent, ce sont des ânes que l’on retrouve attelés au bord des routes.
Pour le reste, l’auto-stop fonctionne. Les Tunisiens chargent facilement leurs compatriotes qui n’ont pas de moyen de communication. Une participation de quelques pièces au voyage sera la bienvenue, même si l’on ne vous demande rien.
Je parviens à Sousse, une ville portuaire, aux portes du Sahel tunisien, à 19h. Je dors dans un petit hôtel de la médina.

Dimanche 15 avril 1973

Au sommet de la vieille ville, la casbah domine la médina entourée de beaux remparts crénelés. Celle-ci, bâtie sur un coteau, descend vers la mer en un dédale de petites rues et d’escaliers. Je me promène dans les souks et je visite le musée.

L’après-midi, je continue l’auto-stop jusqu’à El Jem.
On est dans la région des oliviers. Sur des dizaines de kilomètres, cette contrée plate, écrasée de soleil, produit des olives.
On le voit de loin, le gigantesque amphithéâtre romain qui écrase de sa masse les petites maisons basses du bourg agricole. C’est le plus grand édifice romain de Tunisie encore debout et l’un des plus grands du monde romain. Il surpasse les arènes de Nîmes et même celles d’Arles. Il pouvait accueillir près de 30 000 spectateurs.
L’entrée est payante. Devant le site, les inévitables dromadaires à touristes, avec photo pour le souvenir… Je parcours l’amphithéâtre, flânant dans les coulisses et les vieilles pierres.
J’achète à manger dans une échoppe autour du site ; et je repars en auto-stop.
J’atteins Sfax à 18h.
Grande ville industrielle, deuxième du pays, premier port national, elle est aussi très polluée.
A mon arrivée, je fais une promenade en ville. Un petit garçon m’aborde, me propose sa sœur ou bien… lui-même !
Je recherche un hébergement pour la nuit que je trouve dans un petit hôtel de la médina : dans un escalier en colimaçon, une petite chambre avec un lit aux draps douteux et dont la porte ne ferme pas. Je pousse le lit contre la porte, au cas où…

Lundi 16 avril 1973

Au matin, je me promène en ville. C’est une ville d’affaires avec de grands immeubles modernes, mais avec une médina animée, sans agressivité commerciale. Je vais ensuite faire une balade sur les quais du petit port de pêche.
Dans l’après-midi, je continue vers le sud.
Avec mes cheveux longs qui tombent sur les épaules, je pourrais, paraît-il, sembler équivoque. Est-ce pour cela qu’un automobiliste me charge et me fait des avances, la main sur ma cuisse ? Je fais comprendre que non, pas vraiment…

Le paysage change. Aux plaines couvertes d’oliviers et aux forêts de chênes verts et de chênes-lièges succède un paysage plus aride, à la végétation qui annonce le désert.
A 14h30, j’arrive à Gabès, porte d’entrée du Grand Sud qui flirte avec la mer, au bord d’un golfe qui - rare endroit en Méditerranée - connaît des marées relativement importantes.
Gabès fut  un comptoir phénicien puis une colonie romaine.
Je recherche un hébergement pour la nuit. L’auberge de jeunesse me semble correcte. J’y laisse mon sac à dos et je vais me promener en ville dans les vieux quartiers. Je visite le Centre de l’Artisanat puis la mosquée de Sidi Driss, aux colonnes antiques dans la salle de prière.
Je mange dans un petit restaurant et je passe la nuit à l’auberge de jeunesse.

Mardi 17 avril 1973

Au matin, je parcours l’oasis de Gabès en calèche avec un couple de Français et un Australien, rencontrés sur place, jusqu’au village de Chenini. La palmeraie comprend plus de 300 000 palmiers et s’étend sur 6 km. Le pittoresque village de Chenini est spécialisé dans l’artisanat de la vannerie.
Nous revenons à pied par un sentier sous les palmiers. Nous pique-niquons dans la nature. Un de mes compagnons essaye sans succès de grimper sur un palmier !

L’après-midi, je poursuis ma route en auto-stop. On aperçoit les premières « ghorfas » ou greniers à grain du temps passé.
Je parviens à Médenine, porte d’entrée des ksour du sud, divisée en deux par un oued.
Je me dirige maintenant par le sud-est vers lîle de Djerba, reliée au continent par une chaussée romaine, longue de 7 km. Datant de l’époque punique, elle servait au transport des étoffes teintes de pourpre et des jarres d’huile.
Ile du sud de la Tunisie, toute plate, le sol y est rude, l’eau rare et la végétation dispersée. Les murets en terre, fixés avec des cactus et des figuiers de Barbarie, contiennent les vents salins.
Pour la plupart berbères, les habitants parlent encore dans certains villages leur propre langue.
Débarqué dans l’île, il me faut continuer à pied le long de la route. Des familles travaillent dans les champs. Des enfants inoccupés, intrigués et provocateurs me lancent des pierres. Au bout d’un moment - la patience a des limites - je m’arrête, fouille dans ma besace et en ressort un couteau à cran d’arrêt, dont la lame luit au soleil. Le petit peuple s’éparpille… Pas très rassuré tout-de-même, je m’éloigne rapidement.

On me charge jusqu’à Houmt-Souk, la seule vraie ville de l’île.
Je me promène en ville, dans les rues et les souks. Je ne sais pas où je vais dormir.
Dans la soirée, je rencontre un jeune Tunisien, très amical, qui cherche le contact et m’invite à manger au restaurant. Nous discutons beaucoup. Il m’héberge alors chez lui pour la nuit, dans sa petite maison blanchie à la chaux.

Mercredi 18 avril 1973

Je dors jusqu’à 11h. Mon hôte est déjà parti. Nous avions convenu la veille d’un endroit où laisser la clé. Merci, l’ami, pour la confiance !
L’après-midi, à nouveau en bord de route, je retrouve les deux Français de Gabès. Nous parcourons l’île en voiture de louage : arrêt au village de Hara Srhira, et visite de la synagogue de la Griba, devenue un centre spirituel pour l’étude de la Torah. Un vénérable barbu nous fait pénétrer. Décoration superbe (murs, vitraux et plafond).
L’île abrite une petite communauté juive, l’une des plus anciennes du monde. Ici, juifs et musulmans ont toujours vécu ensemble en bonne intelligence.
Nous faisons également une halte au village de Guellala (poteries, tissages).

Dans la soirée, je repars seul vers Gabès. J’y arrive vers 22h30. Il fait nuit, et l’auberge de jeunesse est fermée. Je trouve tout de même un petit hôtel pour passer la nuit.

Jeudi 19 avril 1973

Au matin, je retourne à l’auberge de jeunesse et j’y dépose mon sac à dos.
A 11h, je prends un autobus local pour me rendre dans le djebel, à Matmata. Pendant le trajet, une femme voilée m’observe intensément…
Matmata est un village berbère troglodytique, au milieu des collines dénudées au ton ocre. Paysage tourmenté percé de trous et de cavités.
Pour se protéger des envahisseurs, la population s’est enterrée. Elle a creusé des cavités dans la roche tendre au fond de puits de 5 à 10 mètres. On y accède par des tunnels creusés dans le talus ou directement par des échelles. Je visite une de ces habitations souterraines. Le fond du cratère est percé de niches servant de magasins à provision, de greniers ; et les pièces d’habitation s’enfoncent profondément dans le sol. Poules et canards entrent et sortent. Les habitants sont accueillants et font visiter volontiers leur demeure. Je laisse mon obole.
Je mange un sandwich tunisien (thon, tomates, piment, huile d’olive) acheté sur le site et je rentre en bus à Gabès pour 14h.
Je termine l’après-midi à l’auberge de jeunesse.
Le soir, je vais manger dans un restaurant avec quatre Françaises rencontrées à l’auberge. Nous allons ensuite nous promener à la plage, au bord de la mer, dans la douceur de la nuit du Sud, avant de rentrer nous coucher.

Vendredi 20 avril 1973

J’envisage de partir en stop vers Tozeur et la frontière algérienne, à travers le désert. J’y renonce assez vite ! Et à 9h, j’entame mon voyage de retour Gabès – Tunis en auto-stop. Ça marche assez bien.
Vers le nord, avec des Français qui m’ont chargé dans leur voiture, on s’arrête au djebel Zaghouan : C’est de Zaghouan, l’antique Zita, que partait l’aqueduc long d’une centaine de km alimentant la ville de Carthage. En continuant à pied par un sentier, on visite le temple des Eaux, bassin collecteur en forme d’hémicycle construit en 130 par l’empereur Hadrien.
On arrive à Tunis à 17h. [J’ai parcouru en tout 1200 km en auto-stop.] Je regagne Ez-Zahra par autobus. Je passe la soirée dans le village avec Jellel et des copains. Puis je regarde la télévision chez Tayeb.

Samedi 21 avril 1973

La matinée, j’occupe mon temps à flâner dans le village. L’après-midi, je reste à la maison avec Monia, puis je vais faire un tour en voiture avec Jellel à Hammam-Lif, et ensuite je passe chez des voisins.
Le soir, on regarde la télévision.

Dimanche 22 avril 1973

Nous allons manger pour midi à Tunis chez une des sœurs d’Hichem.
A 16h45, toute la famille me conduit en voiture à l’aéroport.
Adieux sympathiques et chaleureux.
L’avion décolle à 17h30 et se pose à Marseille-Marignanne à 18h45. Je rejoins la ville de Marseille en autobus où je vais passer la soirée avec mes parents et Gilbert.


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